Face de cuillère
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Une enfant très spéciale, au visage semblable à notre reflet dans une cuillère, retrace sa naissance, ses liens avec ses proches et sa lutte contre le cancer avec une aisance à déconcerter les anges. Sa voix, pleine de rires et de légèreté, s’entremêle avec celle de Maria Callas qu’elle écoute en boucle et s’envole pour nous montrer que la vie est une étincelle d’amour et d’émotions. L’héroïne brise nos a priori sur la mort, comme nous casserions le caramel pour atteindre la douceur de la crème brulée avec la face de notre petite cuillère.
Face de cuillère est un être hors du commun parce qu’elle pourrait être n’importe qui. Cette enfant accepte de traverser le tunnel qui l’amène vers la mort. Madame Patate, son père et sa mère, la diplumée et le docteur Bernstein l’accompagnent du mieux qu’ils peuvent sur ce chemin qui leur semble bien raccourci.
La mort de l’enfant par la maladie est irrationnelle et inexplicable. L’évènement devient tragique parce qu’il semble arbitraire, injuste et dramatique lorsqu’il révèle notre impuissance humaine. Il remet en question les systèmes de pensée rationnels et scientifiques qui nous font croire qu’il est normal de mourir vieux et que nous pouvons soigner les maladies.
Nous pourrions nous morfondre dans le chagrin et attendre fadement que le destin s’accomplisse. Nous pourrions répondre par une révolte profonde contre le cours des choses qui laisse les enfants mourir par la maladie, la faim ou la guerre.
Mais Face de cuillère nous montre une troisième voie… elle accepte de traverser le tunnel et d’endurer les épreuves. Présente à l’instant, sans jugement sur les autres et ni sur ce qui lui arrive, elle avance en s’appropriant son destin.
Elle va même plus loin : son récit transforme la souffrance en apprentissage, la peine en partage et l’ignorance en amour. Elle nous offre une mort pleine d’étincelles de vie, une mort qui n’est « même pas rien », mais plutôt un bout du chemin, comme la naissance, quelque chose qu’on ne connait pas et dont il ne faut pas avoir peur.
Dès le début du texte, Face de cuillère nous explique qu’elle voudrait mettre en scène la mort et que tout le monde trouverait ça beau et l’applaudirait comme une chanteuse d’opéra. L’acte artistique s’impose comme réappropriation du chemin de vie et donc de la mort. Si lumineuse et confiante, la voix narrative pourrait même être celle d’une âme revenue sur terre pour faire de ce rêve d’enfant l’œuvre de sa vie.