Vivaces
Les mots ne font pas que décrire,
ils constituent des formes de l’expérience du monde
et des moyens d’agir dans et sur celui-ci.
Les mots sont un donné social,
un héritage qui préexiste aux locuteurs,
ils résultent aussi d’initiatives des acteurs historiques,
ils sont des outils pour la connaissance et l’action.
Les mots sont des moyens de s’entendre,
ils sont aussi des armes.
Christian Topalov, sociologue et historien
Vivaces est une création théâtrale à partir du travail de recherche POP-PART, qui met en scène quelques extraits de l’ouvrage collectif Jeunes de quartier, le pouvoir des mots co-écrit par des jeunes, des professionnels et des chercheurs. L’idée de cette recherche étant de donner une représentation « plus juste et plus étoffée du monde » et de dépasser le double écueil auquel sont confrontées les classes populaires : d’un côté une vision d’en haut, contribuant parfois à la stigmatisation, de l’autre une forme de romantisme naïf.
La démarche de la recherche participative
Qu’est-ce qu’être jeune dans un quartier populaire ? À quelle expérience sociale, urbaine, familiale, à quelles visions de sa place dans la société et dans le territoire cela renvoie-t-il ? Telles sont les questions qui ont guidé la recherche participative conduite dans dix villes ou quartiers de l’Île-de-France (1). D’emblée le pluriel s’est imposé tant les situations sociales, les origines, les histoires familiales, les parcours scolaires des jeunes sont loin d’être homogènes. Que partagent-ils donc ? Qu’est-ce qui les rassemble ou, au contraire, les différencie ? Au bout du compte, l’expression « jeunes des quartiers populaires » a-t-elle un sens ?
Ces jeunes font l’objet de multiples discours, écrits et images. Les médias et nombre de déclarations politico-médiatiques pointent bien souvent d’abord la délinquance, la violence, les trafics, l’islamisme, le communautarisme, la domination masculine, tout cela concentré dans un paysage triste et uniforme de barres d’immeubles grises et décrépies. Les jeunes sont ainsi bien souvent dépossédés de leur image ; ils sont ceux dont on parle, plus que ceux que l’on écoute. À rebours, nous avons voulu partir de leurs expériences et construire avec eux cette recherche. Nous avons essayé de « voir d’en bas » pour proposer une « traduction plus juste et étoffée du monde ». Pari difficile, qui nous a amené·es à développer des méthodes de recherche originales, basées sur la production de récits et d’analyses par les jeunes et sur leur mise en discussion.
En commençant cette recherche, nous avions conscience du double écueil auquel sont confrontés les chercheur·es qui travaillent sur les quartiers populaires, entre fascination et idéalisation d’un côté, regard normatif et condescendant de l’autre. Partir des points de vue des jeunes, les mettre en discussion, ouvrir la perspective, nous semblait une façon de prendre en compte et de dépasser cette difficulté. La démarche proposée a reposé sur une réflexion circulante entre les mots et les thèmes travaillés par et avec les jeunes, entre les territoires habités par ces jeunes, entre les différentes positions et éclairages des participant·es à cette recherche, jeunes, professionnel·les ou militant·es, et chercheur·es.