à partir de 14 ans
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Tout commence avec mon fil d’actualité sur les réseaux sociaux et le ciblage de l’algorithme… Loin de me proposer des publicités pour des objets de consommation, j’ai droit à l’histoire de toutes les momies retrouvées, les dernières découvertes, le traitement des corps en fin de vie. Déroutant comment ces cadavres embaumés s’immiscent dans mon quotidien.

En parallèle, j’enterre de nombreux proches, et comme “l’écrivaine de la famille” je me spécialise dans l’éloge funèbre. Je pratique l’élégie, j’en cherche les sonorités et les rythmes. Je découvre tout un pan de la littérature. Comment chanter la mort ? Comment écrire ce passage ? Comment verbaliser la finitude et la disparition ?

La mort est un monde d’angoisse mais c’est aussi un espace politique car il est tenu sous un silence tel qu’on peut lui faire dire ce que l’on veut. Cependant, la réalité est simple… terrible… Une fois mort·e, mon corps ne m’appartient plus, il n’appartient pas non plus à mes proches, mon corps devient une propriété de l’état qui cadre sa destinée.
Sans parler que juste avant le passage le politique règne, le droit à mourir est encore un sujet en débat.

À la peur de la mort, à ma fascination pour les corps qui traversent le temps, à la tragédie de l’écrivaine qui se dit “on sait d’avance comment ça va finir”, à la chape de plomb qui recouvre la finitude, aux enjeux politiques de l’héritage et du traitement des morts, à tout cela, je réponds : j’écrirai un cabaret.

Format par excellence de symbiose scène – salle, espace de prise de position poétique et politique, monde du fantasme, territoire littéraire de tous les possibles. Le cabaret n’est autre que le renversement des mondes. Là où l’ordre des choses est irrationnel alors peut-être, qui sait, la mort n’aura pas le dernier mot.

Je préfère l’électrochoc qui rend le présent impossible et oblige la réflexion à se mettre en marche. Je veux décaler la réalité, l’intime, et la pousser jusqu’au non-sens inéluctable.
En abordant avec satyre et irrévérence cet enjeu central qui doit faire face à de nombreuses stratégies d’évitement pour se frayer un chemin dans notre pensée. Je pense qu’une situation telle que celle que nous vivons actuellement, oblige à se positionner et à radicaliser le geste littéraire. Je veux faire des pilules, qui seront autant de shoots délirants et impétueux.

Parler de la mort, sans condescendance, revient à inventer une poétique de l’inconnu. Que l’écriture devance ce que nous ne connaissons pas vraiment. Tout cela dans une grande cérémonie théâtrale. Une cérémonie sans hiérarchie. Un espace-temps où le théâtre peut surgir de partout et sous de nombreuses formes. Pour écrire ce Tombeau, je pars à la rencontre de celles et ceux qui s’approchent d’elle, de près ou de loin.

H. Desrivières, Intention d’écriture